• Fearghus

Cela fait bien trois ans que je n'ai pas remis le pied dans le monde du cheval. Et je ne prends pas la peine de vous narrer le nombre de personnes m'ayant encouragé. Mais aujourd'hui, cela va changer. Car moi, Julien, j'ai acheté un cheval. Plus précisément une jument. Et pour la loger, je n'ai pas hésité une seconde pour diriger mon choix vers le Domaine d'Arion, où j'ai récemment été embauché en tant qu'ostéopathe pour ma première année.

Je fais les cent pas dans les écuries, consultant ma montre toutes les deux minutes. Le van contenant ma jument ne devrait pas tarder à arriver, il est censé mettre le pied à dix heures. Et effectivement, une dizaine de minutes plus tard, il se gare sur le parking de ce Domaine Ardéchois. Je remonte la fermeture éclair de ma doudoune, et dépose d'un geste vif ma capuche sur mes cheveux bruns. Je ne suis pas en une tenue d'équitation, je n'ai plus rien. Rien d'autres qu'un licol et un kit de vieilles brosses. Tout le reste a été vendu. Légèrement anxieux, je pars d'un pas rapide vers le van, le licol dans les mains. Le froid mordant m'attaque littéralement les joues, et un petit nuage de fumée blanche se forme autour de ma bouche quand j'expire. Car quel serait un bon hiver sans un gros rhume ?

Je salue brièvement mon père, qui s'est chargé du transport de la jument, et il me lance un "Très belle bête ! Au fait, elle s'appelle Fearghus.". Je le souris en guise de remerciement, et part ouvrir la porte. J'aperçois une petite croupe alezane, et m'empresse d'entrer à l'encontre de Fearghus. Je l'appelle d'un ton doux, voulant la prévenir de ma présence, et elle sursaute au son de ma voix. Je m'approche de sa tête tout doucement, et peut enfin contempler en réalité la belle face blanche ornant son chanfrein, que je n'ai vu seulement en photo. Je souris en lui passant le licol, et la fais reculer dans la terre meuble du parking. Elle ne porte aucune couverture, et encore moins des protections de transport. Heureusement que j'ai quelques sous de côté, car je vais avoir besoin de faire de sacrées dépenses !

Fearghus observe les alentours d'un œil inquiet, et je passe ma main sur son encolure fine et frêle. Elle est très jeune, et semble être un peu sur la défensive. Je ne perds pas une seconde de mon temps, et pars jusqu'à son nouveau box pour l'y mettre. On ne peut pas le louper, il est en plein milieu d'une allée, et comble de chance, il donne directement sur l'extérieur. Enfin, je ne précise pas qu'il y a un petit paravent au-dessus. Bref. Je mets doucement la jument alezane dans sa stalle, avant de fermer le loquet derrière moi. Je lui retire son licol, et vais prendre une étrille et un bouchon posés dans le coin du box par mes soins tout à l'heure.

L'étrille est passée en première sur le corps de Fearghus, et j'insiste bien sur les parties charnues en faisant des cercles assez réguliers. L'alezane semble apprécier la caresse de la brosse, et je continue en prenant tout mon temps. Cela me fait extrêmement bizarre comme sentiment, car il y a bien des lustres que je n'ai pas fait ces actions. Et tout en même temps que je panse Fearghus, je me mets à réfléchir à mon passé, à tous ces chevaux avec lesquels j'ai vécu des histoires formidables, mais que j'ai dû quitter. Je passe ensuite rapidement le bouchon pour enlever les résidus de poussière, et un coup de brosse douce pour lustrer son poil. la jument me donne ses pieds gentiment pour que je les lui cure, et je lui flatte l'encolure, ne m'attendant pas à une telle patience de la part d'un jeune cheval. Mais je crois que le froid l'ensuque complètement. Effectivement, cela va devenir primordial d'investir dans une couverture... Je termine de la brosser en lui démêlant bien soigneusement les crins, et sors de son box en lui caressant le chanfrein, emportant mes brosses avec moi ainsi que le licol. Fearghus, je suis persuadé que tu sauras m'apporter le bonheur...