► SWEEDAM

au préSweedam - Welsh D

Couvert d'un épais manteau et d'une écharpe de laine, Leonard menait Sweedam avec un peu de difficulté. En effet, le cheval était plutôt excité à l'idée de sortir ce matin. Souhaitant encore bricoler quelques clôtures afin de fabriquer d'autres paddocks, il n'aurait pas le temps de seller l'isabelle dans la matinée.
Sweedam tentait de passer devant mais se ravisait dès que son propriétaire commençait à hausser la voix et donnait de petits à-coups dans la longe. L'étalon jeta la tête en arrière à plusieurs reprises, non content qu'on lui tienne tête de la sorte mais se calma au fur et à mesure et se rangea sagement derrière le jeune homme qui ouvrait la marche.
Petit à petit les clôtures du pré principal se dessinèrent et le mâle recommença à s'impatienter à l'idée de pouvoir se défouler sur cette grande étendue. Sweedam était drôlement nerveux. Enfin, il l'était souvent, mais pas autant qu'aujourd'hui.
Leonard eut du mal à défaire la longe du licol, le cheval gigotait dans tous les sens. Mais une fois libre, l'étalon pivota sur les postérieurs et manqua de peu son propriétaire qui s'écarta vivement. De joie, il n'avait pas fait attention et avait failli blesser le jeune homme qui secoua la tête, décontenancé du comportement de son étalon. Ce dernier était aussi fou qu'un poulain et il faudrait du temps pour parvenir à l'éduquer correctement. Mais ce qu'il faudrait tout d'abord, c'était sans doute de la patience et de la fermeté caractérielle. Car si l'isabelle avait de la suite dans les idées, son cavalier en avait également.

Souhaitant profiter du spectacle que donnait le Welsh, Leonard resta dans le pré, accoudé à la barrière. L'isabelle galopait à en perdre haleine, et ponctuait son allure par de légers mouvements de dos et d'encolure tout en manifestant la puissance qu'il pouvait contenir. Le jeune homme avait hâte de pouvoir en dégager tout le potentiel. Il avait monté de nombreux jeunes chevaux lors de son stage dans la campagne ariégeoise l'an dernier. Leonard avait toujours rêvé de partager le savoir d'un cavalier expérimenté, de plus dans un pays étranger. La région et le pays lui avaient tellement plu qu'il avait décidé de s'y installer. Partir de son pays natal aux falaises balayées par le vent et aux terres vertes dont la couleur en faisait rêver plus d'un l'avait aidé à faire une croix sur des projets désormais irréalisables et à s'en fixer d'autres par la même occasion. Le changement d'environnement et briser les habitudes n'avaient que du bon, il en était persuadé désormais. Le seul point noir de cette nouvelle aventure était peut être la solitude. Evidemment, il y avait Sweedam. Mais Sweedam n'était pas sa voix chantante et ses yeux bleus comme le ciel d'été. Elle était entrée dans sa vie aussi vite qu'elle en était partie.

Le mâle s'était arrêté, sortant Leonard de ses pensées. De longues brumes blanchâtres s'échappaient des naseaux de l'isabelle, encore tout fébrile de sa cavalcade. Ses longs crins d’ébène désordonnés décoraient son encolure dorée qui suintait légèrement. Enroulé dans ses laines, le jeune homme vint à la rencontre de l'étalon et posa doucement sa main sur le chanfrein de l'animal. Ce dernier huma la veste de son propriétaire, guettant le moindre signe de ce qu'il pourrait en tirer de satisfaisant. Leonard le repoussa gentiment et le Welsh baissa la tête, comme intrigué par quelque chose. De légers points blancs décoraient le sol et d'autres venaient s'ajouter ici et là. Le jeune homme orienta ses paumes de main vers le ciel, et d'autres petites perles immaculées vinrent se poser délicatement sur sa peau avant de se transformer en gouttelette d'eau. Il regarda son cheval qui semblait tout aussi surpris que lui de ce phénomène avant de lever les yeux au ciel. Ce dernier était tout aussi blanc que les grains tombés sur le sol. La neige arrivait dans la région, et recouvrirait bientôt le paysage de son manteau immaculé pour l'envelopper dans son silence particulier.